Et si on rentrait? (partie 3 : Comprendre le recouvrement d’âme )
« Dans le chamanisme, tout n’est finalement qu’une histoire d’âme : lorsque celle-ci est bien ancrée dans le corps, qu’elle est unifiée et présente dans la réalité matérielle, l’individu est en pleine possession de ses moyens. » Laurent Huguelit
S’incarner, c’est inviter notre âme à prendre corps afin de vivre une expérience dans le monde matériel. Durant cette expérience (qui peut prendre la forme d’incarnations multiples) nous sommes confrontés à des situations parfois douloureuses, qui viennent ébranler notre confiance, notre équilibre, notre lien à nous-mêmes, aux autres et à cet espace d’incarnation. Si les chocs sont vécus violemment, l’âme peut se fragmenter et se dissocier : la partie blessée s’extrait, afin de mettre de la distance avec ce qui la fait souffrir. Il peut aussi arriver qu’elle reste figée, bloquée dans l’évènement à l’origine de l’épreuve.
Même si notre instinct de survie nous permet d’avancer malgré tout, cette fragmentation de l’âme va générer des insécurités, vides, pertes énergétiques, blocages, et, à un certain stade, des schémas répétitifs qui sont autant d’invitations à retrouver ce qui a été perdu.
Dans la pratique chamanique, la notion de temps et d’espace n’existe pas, c’est pourquoi il est possible d’aller chercher la partie d’âme en retrait, quelles que soient l’époque et les circonstances qui ont créé la coupure intérieure (ce qui inclut les mémoires prénatales et les autres expériences d’incarnation). C’est ce qu’on appelle « le recouvrement d’âme ».
Dans la tradition d’où je viens, on considère que l’âme est répartie dans tous les tissus et organes du corps, et qu’à ce titre « chaque organe a une âme ». C’est pourquoi le recouvrement d’âme est également pratiqué après certaines maladies ou interventions chirurgicales ciblant un organe spécifique, notamment en cas d’ablation, transfusion, et/ou greffe.
Le recouvrement d’âme permet de retrouver son intégrité énergétique, émotionnelle et spirituelle, ses ressources intérieures. Je précise que l’intention de ce soin n’est pas, que « tout redevienne comme avant » : il y a toujours un avant et un après l’évènement qui a créé la blessure et/ou la déconnexion. Par contre, il y a : être conditionné par l’évènement vs le transcender pour qu’il devienne une expérience, intégrée à qui je suis et deviens, et non une limitation/un boulet. C’est ce chemin de guérison que cette technique permet d’accompagner.
Lorsque l’âme se réunifie et s’ancre davantage dans le corps, de la présence, de la stabilité et de l’apaisement se matérialisent en soi. Le taux vibratoire augmente également en conséquence. Aller chercher la/les partie(s) d’âme se fait via un soin rituel dont la forme et la durée dépendent du praticien, de sa culture et de l’intention du client.
Y’a-t-il un « moment clef » pour faire appel au recouvrement d’âme ?
Un jour où ma psy s’étonnait que j’aie des souvenirs d’un évènement qui m’avait beaucoup impactée lorsque j’avais deux ans et demi, je lui ai parlé de ma pratique chamanique. Elle m’a répondu : « c’est passionnant. Si le voyage chamanique permet de se reconnecter avec une partie dissociée, cela peut être un bon point de départ pour une thérapie ». Pas seulement : lorsque j’ai commencé à pratiquer le recouvrement d’âme, les clients qui venaient à moi étaient plutôt des personnes qui avaient déjà travaillé leurs traumatismes en thérapie classique. A un moment, ils ont senti qu’ils avaient fait le tour de cette approche mais qu’il restait quelque chose d’inabouti. Le recouvrement d’âme et le retour au corps leur ont permis de « fermer la boucle ». Lorsque le soin chamanique permet de se reconnecter avec une mémoire qui a été longtemps mise de côté, il peut effectivement aider une thérapie en cours ou en être le déclencheur.
Selon le traumatisme vécu, nous pouvons avoir mis en place, « en réaction », des mécanismes qu’il va falloir identifier et déconstruire via un espace dédié et construit autour de la parole, ce qui n’est pas la vocation première du chamanisme. C’est pourquoi associer un espace complémentaire avec un praticien d’une autre discipline est pertinent, selon les besoins et sensibilités. L’important est de respecter ses limites. Dans les cas d’agressions et esclavages sexuels par exemple, les gens viennent me voir justement parce qu’ils n’ont pas à raconter. La difficulté pour eux est souvent la suivante : pour oser nommer, ils ont besoin de mettre de la distance entre eux et les faits. Dire à voix haute leur a permis de ne plus les nier. Pour autant, ils n’ont pas envie d’avoir à se rappeler ni raconter en détails. Laisser sortir la souffrance et les émotions qui ont été étouffées peut aussi leur faire peur. C’est pourquoi les rituels de détachement et le recouvrement d’âme leur permettent d’être soutenus et d’intégrer tous les aspects impliqués (psychologique, émotionnel, spirituel et corporel), sans avoir à entrer dans des visions et détails superflus.
Vous l’avez compris, un recouvrement d’âme, ça se prépare. Le bon timing vient lorsque chacun est prêt à faire face à l’impact que l’évènement a eu dans sa vie.
Bien sûr, dans des situations identifiées comme des : complications lors d’un accouchement ayant pu impacter l’enfant en pré ou post natal, intervention chirurgicale avec ablation ou greffe, prise de drogue (cela fait chuter le taux vibratoire de manière conséquente), ou dans des cas de phobie ou terreur inexpliquée, il n’y a aucune raison d’attendre !
Quel est le temps d’intégration d’un recouvrement d’âme ?
« Il faut parfois des semaines, des mois, des années… » peut-on lire dans certains articles. C’est vrai. Parfois c’est quasiment instantané. On ne peut pas donner de délai. Cela peut paraître surprenant, frustrant ou décourageant, c’est néanmoins cohérent et n’enlève rien à l’efficacité ni à la précieuse singularité de ce soin.
Il y a une certaine fascination vis-à-vis de la pratique chamanique et de sa capacité à visiter l’invisible, le temps et l’espace, qui peut parfois faire oublier certaines réalités au client qui vient consulter : c’est un travail d’équipe et surtout, c’est son histoire. Lors de son voyage, le chamane va rencontrer la partie perdue, la soigner et reconnecter le client à cette part d’âme. A ce stade, deux facteurs vont déterminer la suite (et donc le temps) : de quoi a besoin cette part d’âme pour revenir s’ancrer durablement et est-ce que le client est prêt à la recevoir ?
Premier facteur : parfois la part d’âme n’est pas prête à rentrer au moment où le contact se fait, pour différentes raisons dont voici quelques exemples : 1/ le client a encore dans sa vie des situations similaires à ce qui a causé la dissociation, que la part dissociée ne souhaite pas revivre ; elle va donc attendre des changements concrets pour revenir, 2/ des soins complémentaires sont nécessaires (sur elle ou le receveur) pour que la part d’âme puisse rentrer (et rester) dans de bonnes conditions, 3/ dans le cas d’une part d’âme liée à une autre expérience d’incarnation, elle peut venir se présenter mais avoir encore des choses à vivre de son côté avant que la réintégration soit possible (ne pas oublier que si une telle part se présente, elle est forcément en miroir de quelque chose à régler dans la vie actuelle).
Deuxième facteur : même si la logique voudrait que le client, venu de sa propre initiative, soit prêt à vivre le processus de recouvrement d’âme, ce n’est pas toujours le cas :
– si le soin reconnecte le client avec un trauma qui avait été mis de côté, voire oublié, des souvenirs et/ou sensations corporelles pas forcément agréables peuvent le traverser ; il peut alors être tenté de résister et avoir besoin de temps pour apprivoiser la situation.
– Le client peut aussi connaître l’origine du trauma et l’avoir excessivement intellectualisé sans s’être confronté à ses sentiments/émotions. J’ai eu un cas par exemple, où une cliente a verbalisé qu’elle n’avait pas encore intégré la part d’âme parce qu’elle en avait honte.
L’âme dans son essence se nourrit d’amour. S’accueillir sans jugement, voire se pardonner, est une démarche qui peut s’inviter durant le processus et demander du temps. Un temps nécessaire pour se réapproprier au mieux l’histoire qui accompagne la part et les ressources retrouvées et « s’actualiser ».
Le recouvrement d’âme est donc, au-delà d’une technique qui permet de retrouver et restaurer des parts de soi en souffrance, une invitation à renouer avec soi qui peut demander des remises en question et changements dans ses relations et sa manière de vivre. C’est une passerelle de réconciliation, avec soi et avec la vie.
Taïs Roshem
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