1 décembre 2023

Et si on rentrait? (partie 4 : Mes traumas, mon cerveau et moi )

Lorsqu’un évènement traumatique survient, il nous impacte généralement à plusieurs niveaux, que je schématiserais ainsi :

Chacun de ces aspects a besoin d’être traité/accompagné pour que nous puissions parler de guérison. Quelques exemples de ce qui peut parfois donner l’impression de ne pas avancer comme espéré :

  1. la prise en charge ne prend pas en compte – ou pas encore – toutes ces dimensions
  2. le chemin comporte différentes étapes et le temps requis pour chacune nous échappe
  3. nous vivons les conséquences et réactions d’un choc/évènement dont nous n’avons aucun souvenir conscient

Durant les séances que je propose, beaucoup d’entre vous me verbalisent que « leur mental prend trop de place ». En travaillant sur les énergies socles, vous comprenez que vous n’avez tout simplement pas la capacité de « lâcher prise » tant que certaines ressources n’ont pas été restaurées. Vous comprenez aussi le principe « d’un mode vigipirate », mais, dans la pratique, cela reste abstrait. C’est pourquoi je vais vous parler aujourd’hui de notre cerveau, et en particulier d’une zone située dans le cerveau limbique (vous savez, le « disque dur de notre mémoire émotionnelle ») : l’amygdale.
L’amygdale, qui doit son nom à sa forme en amande, est constituée d’une paire, avec une partie reliée au cerveau gauche et l’autre au cerveau droit.  Son rôle est d’analyser les informations sensorielles qu’elle reçoit (éléments auditifs, visuels, olfactifs, etc.). Notre manière de percevoir ce et ceux qui nous entourent est donc très liée à elle. C’est elle qui nous alerte en cas de danger et provoque, dans notre corps, une réaction selon la menace identifiée : sursaut, tension musculaire, fuite, etc…
Qu’est-ce qui se passe dans cette zone, après un évènement ou épisode de vie traumatisant ? Je vais citer ici le psychiatre américain Bessel van der Kolk, chercheur en neurosciences spécialiste du syndrome du stress post-traumatique, dont j’ai découvert le travail lorsque je me suis intéressée aux traumatismes de guerre.
Lors d’une conférence donnée en 2018 à l’hôpital Sainte-Anne, il expliquait, images médicales à l’appui : « Nous avons pu observer un fonctionnement différent de l’amygdale, que j’appelle le « détecteur de fumée » du cerveau, chez les traumatisés : ce dernier est toujours en activité, en permanence à la recherche de choses terribles qui peuvent arriver. Ceci rend les personnes traumatisées très douées pour détecter les dangers, mais les empêche de voir autre chose que ces derniers. »

Il a également constaté, au-delà de l’amygdale, ces dysfonctionnements :

  • Altération du sens de soi (je cite : « Le cortex préfrontal médian, siège de la conscience de soi, est également atteint. Pour tenter de faire barrage aux sensations terrifiantes, cette partie du cerveau qui permet de savoir ce qu’il se passe dans le corps s’éteint. On ne sait plus ce qu’on ressent et il devient très difficile d’être conscient de ce qui est bon ou mauvais pour soi ou de prendre une décision. »)
  • Perte de repère temporel (->le cerveau continue de recevoir des signaux qui le maintienne en mode vigipirate, ce qui créé des réactions en décalage avec le présent)
  • Shut down dans la zone du cerveau gauche et notamment de la parole lorsque la zone de peur se réactive ou que l’évènement est remémoré (-> incapacité physique à en parler)
  • Altération occasionnelle de la zone « mémoire et apprentissage » (cela peut générer par exemple une incapacité à tirer de l’expérience d’une situation maltraitante. Du coup, si elle se reproduit, la victime semble redécouvrir la situation à chaque fois)

Vous pouvez matérialiser ici qu’effectivement, votre vue s’est rétrécie ou plus précisément votre regard sur le monde s’est cristallisé sur certaines situations (petit rappel : c’est l’année du lapin…), parce que votre cerveau est resté bloqué en alerte rouge. Donc, lorsque vous me partagez que « vous tournez en boucle », « votre mental prend toute la place » ou au contraire « qu’il y a un blanc »… ou que nous constatons que vous restez focalisé sur l’autre et sur l’extérieur durant la séance au lieu de parler en « je » :

  1. ce n’est pas parce que vous êtes « bête », « nul », « trop lent », « fabriqué comme ça » (->prenez un moment de pause pour vous faire un big hug de panda plein d’accueil et d’amour)
  2. ce n’est pas non plus une fatalité, c’est pour cela que nous travaillons le lien à soi, aux autres, au corps, « les frontières », et ritualisons les modes vigipirates qui, eux, sont très personnels.

Par contre, cette cristallisation intérieure est effectivement l’une des raisons pour lesquelles le processus demande du temps et de l’observation. Car il faut déjà : revenir vers soi, être capable de s’accueillir à nouveau, et ensuite, une fois les batteries assez rechargées pour avoir ce regard, être capable de repérer « les pilotes automatiques » qui ont été mis en place au quotidien et qui sont devenus limitant, voire enfermant.
Pour plus de clarté sur ces mécanismes, je vais à nouveau citer Bessel van der Kolk, qui précisait dans une interview plus récente : « Le corps ne se rappelle pas des faits, mais garde l’empreinte d’un événement traumatique. Au même titre que le cerveau réagit aux sensations de faim, froid ou fatigue du corps, il réagit aux traces du traumatisme. Une personne violée dans son enfance peut, par exemple, ne plus rien ressentir dans sa vie sexuelle d’adulte et se demander pourquoi les autres ressentent des choses qui semblent si extraordinaires. Envahi par des sensations effrayantes, le corps envoie un signal au cerveau pour que ce dernier éteigne sa capacité de ressentir. Dans ce cas, la connexion esprit-corps est rompue. »
Et je vais rebondir sur l’exemple donné, le viol (les traumatismes sexuels représentant plus de 60% de mes accompagnements), pour expliquer en quoi le mode vigipirate n’est pas toujours simple à repérer.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas forcément la sexualité de la victime qui va être impactée. En effet, j’ai pu observer que le cerveau allait se focaliser sur ce qu’il a identifié/interprété comme la cause principale ayant permis l’agression. Cela peut donc être l’acte en lui-même, ou un profil de personne ou encore une circonstance : lieu, timing, contexte, substance, etc. L’âge au moment où l’évènement a été vécu et l’environnement peuvent aussi jouer leur rôle dans ce qui aura plus spécifiquement impacté la victime (complicité d’un proche, non-assistance, éventuelle culpabilisation, enfant dont les contours et repères relationnels ne sont pas encore construits, etc.).
Ainsi, j’ai pu observer et accompagner les modes vigipirates suivant :

  • Absence de limites directement liées à la sexualité (incapacité à dire non ou pratiques impliquant des rapports de pouvoirs)
  • Incapacité à associer sexualité et amour
  • Peur d’aller dormir
  • Troubles du sommeil parfois variables selon horaire/lieu/circonstances
  • Peur d’aller dans des toilettes publiques
  • Dépendances (comportementales, affective, et/ou à des substances)
  • Changement d’apparence
  • Prise de poids
  • Désordres intestinaux
  • Inflammations à répétition en amont d’un rdv amoureux potentiel
  • Peur de boire à une fête (mais pas dans d’autres contextes)
  • Peur ou rejet d’un profil spécifique de personne
  • Rejet ou peur systématique de personnes de genre féminin ou masculin

En dehors des inflammations, les autres comportements n’étaient souvent pas conscientisés par le client.

« Un traumatisme est personnel. Il ne disparait pas s’il n’est pas reconnu. Lorsqu’il est ignoré ou non reconnu, les cris silencieux continuent à l’intérieur, seulement entendus par la part qui est restée enfermée. Lorsque quelqu’un se relie à cette peine et entend les cris, la guérison peut commencer » Danielle Bernock

Je constate parfois que le client est le premier à ne pas/plus s’entendre, ni se reconnaître. La part dissociée est seule avec ses cris, sa rage et/ou sa détresse. Ma pratique me permet d’entrer en lien avec cette part, de la soigner, de rétablir « la connexion » (le fameux « recouvrement d’âme »), par contre l’intégration va dépendre de là où en est la personne qui consulte : est-ce qu’elle savait? Si elle savait, a-t-elle fait la paix avec cette histoire ou est-ce que c’est « en cours de travail » ou « pas encore initié » ? Est-ce que ce passé impacte encore le présent ? Sous quelle forme? Est-ce qu’il y a d’autres choses à restaurer en parallèle pour que la réunion/intégration/harmonisation soit désormais possible dans la matière et pas juste au plan subtil ?

Déprogrammer le mode de sur-vigilance de votre cerveau et vous réaligner dans l’instant présent avec le corps, c’est ce qui résiste un peu, de ce que j’observe. Les rituels de détachement aident beaucoup. Oser se remettre en mouvement, oser déconstruire et explorer où est sa juste place dans le monde, est une étape incontournable pour parler de guérison (vs « gestion du trauma »).
Il y a un côté passif à recevoir des soins qui peut être rassurant, surtout si les batteries sont à plat, un côté confrontant mais salutaire à retrouver la parole face à un tiers, où la zone de sécurité se situe dans le recul qui vient avec la parole, après la reconnaissance. Toutes ces étapes sont nécessaires pour : vous redonner une assise et une place dans votre histoire, vous ré-entendre à nouveau, reprendre votre souffle, reprendre des forces, reprendre confiance, voire espoir. Mais sans remettre le corps – en conscience avec le cerveau – dans l’instant présent, vous aurez du mal à déprogrammer les réflexes vigipirates installés.
Donc : ça doit passer aussi par le corps et la déprogrammation de l’alerte rouge de votre amygdale cérébrale. Par le corps déjà pour retrouver un vrai sens de soi (->nous sommes des êtres « incarnés »).
Pour ma part, le mouvement libre m’a permis de me redonner ma juste place, en laissant mon corps exprimer ce qu’il a à dire sans le censurer. Les stages et ateliers ont cet avantage de permettre de se situer par rapport aux autres, notamment lors d’explorations à 2 ou 3. J’ai pu voir où se situaient mes limites : est-ce que je suis la consigne prioritairement, même si le contact qui vient à moi ne me plait pas, est-ce que je me sens libre dans la consigne ? Comment est-ce je vis l’interaction avec le partenaire mis face à moi ? Comment est-ce que je nous regarde ?
Il y a également cette formidable alchimie qui fait que le mouvement entraîne tout notre être (c’est-à-dire, le corps, l’âme, l’esprit, avec un ré-ancrage dans l’instant présent si vous êtes bien guidés), ce qui permet de « clore les dossiers » ou d’avoir des réponses sur ce qui nous retient. Enfin, quel que soit le message qu’il délivre, le corps ne ment pas (clin d’œil et affectueuse pensée aux personnes qui ont expérimenté certaines sessions de groupe avec moi !), c’est donc un allié et un guide précieux.

Concernant la partie cérébrale, pour soutenir les rituels de détachement, n’hésitez pas à vous aider avec l’aromathérapie si vous n’avez pas de contrindications : j’ai déjà eu l’occasion de communiquer avec vous sur ce point en atelier : notre cerveau limbique est directement relié à l’odorat. N’hésitez pas à vous renseigner. Ce support a le mérite d’être simple, peu couteux et peut également agir sur ce qui n’est pas conscientisé.
En ce moment je teste des fréquences sonores et je trouve certaines vraiment intéressantes pour apaiser à la fois le cerveau et le corps, sans effort. Voici une chaîne youtube où trouver des séquences instrumentales de 30 et 60mn : https://www.youtube.com/@joffreylorre (le morceau peut s’écouter tout simplement pendant le petit-déjeuner ou avant de dormir : commencez plutôt par des fréquences qui travaillent sur les premiers chakras et sécurisent : 174 hz, 396 hz, puis la zone plexus/cœur/sphère relationnelle 639 hz)
Certains points du protocole de magnétisme crânien « Access bars » viennent travailler efficacement sur le cerveau limbique. Si vous souhaitez recevoir cette technique lors de vos rdvs avec moi, n’hésitez pas à me le signaler.
Si vous pratiquer la méditation, cela aide aussi à remettre le cerveau sur des fréquences de tranquillité.
Ces quelques propositions sont bien sûr non exhaustives : certains thérapeutes vont utiliser le yoga, le chant, l’EMDR (je n’ai pas d’expérience de cette discipline mais je comprends qu’elle fonctionne sur un évènement que vous êtes en capacité de raconter), les psychiatres du siècle dernier utilisaient l’hypnose… les pistes ne manquent pas, selon vos affinités.
Idem pour les contours et la conscience de soi, vous pouvez aussi les redécouvrir via des activités de loisirs.  Si vous avez des affinités avec le sport, par exemple, ceux qui impliquent un partenaire/adversaire/jeu collectif peuvent vous permettre de : situer votre corps dans l’espace, par rapport à vous-même et celui des autres, et vivre des actions interactives.

L’important dans votre parcours étant de :

  • bien prendre en compte toutes les facettes de vous-même,
  • vous sentir en sécurité avec les personnes que vous choisissez pour vous accompagner,
  • osez vous faire grâce de la dead-line qui avait peut-être motivée votre remise en chemin et être rempli de bienveillance envers vous-même

Et enfin, comprendre qu’il y a des deuils et des choix que vous seuls pouvez faire.

 « La guérison ne signifie pas que les dommages n’ont jamais existé. Cela signifie que les dommages ne contrôlent plus notre vie. » Akshay Dubey

Taïs Roshem

Tous droits réservés