5 mai 2023

Mes règles : de la cohabitation pratique à l’alliance spirituelle

C’est un témoignage personnel que je choisis de poster aujourd’hui. Il s’adresse aux femmes comme aux hommes, car c’est le regard d’un homme qui m’a invitée à revenir en conscience vers moi ces quelques jours du mois. J’espère que ce partage vous offrira, à vous aussi, un autre regard.

Premières règles à 12 ans, en pleines vacances d’été. Fatigue. Souvenir de ma grand-mère qui me dit « que ce n’est pas une maladie » alors que je m’étais allongée un moment pour me reposer et apprivoiser les sensations nouvelles.
Apprendre à gérer pour ne pas casser le rythme quotidien établi, choisir les protections selon les activités demandées : j’ai suivi le parcours classique d’une personne éduquée pour rester « opérationnelle quoiqu’il arrive » et ne pas entrer dans le cliché de « la fille qui a ses ragnagnas ».
Côté cycle : j’étais réglée comme du papier à musique, jusqu’à la pilule : mon corps a mal supporté et je suis partie en quête d’une formule limitant les effets secondaires. Il y a eu une période « stérilet », abandonné car psychologiquement mal vécu par mon compagnon d’alors. Puis, après plusieurs essais, ma gynéco et moi avons mis en place une combinaison qui semblait « viable » : une pilule « légèrement dosée » avec deux traitements en soutien pour compenser les effets indésirables. Et là, plus de règles. Ça peut sembler pratique au premier abord, sauf que j’ai un « défaut d’assimilation du fer » : je le stocke et, au fil du temps, on m’a informée qu’il faudrait peut-être envisager « des saignées » pour éliminer le fer en excès.
Faire – en plus du triple traitement en place – des saignées pour compenser l’absence de règles ?! J’envoie valser la contraception hormonale.
Je retrouve ainsi mon corps « réglé comme du papier à musique », taux de fer auto-régulé, et le moi adulte réalise la richesse de ce cycle. Je me rends compte de l’anesthésie intérieure qu’avait causé cette succession de traitements hormonaux, et c’est une toute autre énergie que je ressens, au fil des jours et des étapes de mon cycle naturel. Une vraie renaissance, qui aura un impact saisissant sur ma vitalité, mon instinct, ma manière de ressentir mon corps et ma sexualité.
Quelques années plus tard, je découvre le livre d’une sage-femme*, qui met en parallèle notre cycle menstruel avec les 4 saisons et considère les émotions qui peuvent surgir durant les règles comme l’expression des non-dits accumulés. Comme si cette période particulière donnait la possibilité à ce qui a été « pris sur soi » de frapper à la porte pour être entendu et partir. Sur le coup, j’ai été intéressée par cette lecture et j’ai rangé l’info dans un coin de ma tête. Pour autant, ça n’a pas résonné dans la matière. Jusqu’à ma rencontre avec cet homme.
« Ah, tu as tes règles ? Qu’est-ce que ça change pour toi ? » : premier échange, pragmatique et bref, sur comment chacun vit cette période dans son intimité et dans le couple. Je suis agréablement surprise par l’absence d’idées préconçues dans le fil de la conversation. Accueil.
… jusqu’à cet autre échange, deux ou trois mois plus tard : « tu as tes règles ? ». Sur le coup, j’ai été tour à tour : surprise, vexée, sur la défensive. Cette question surgissait de nulle part, à un moment qui n’appelait en rien cette thématique. Je sentais son regard me scruter avec attention. « Hmmm, oui, pourquoi ? ». Son attention s’est relâchée et il a platement répondu « tu as baissé ta garde ». Et d’ajouter quelque chose qui disait en gros que pour « savoir comment j’allais vraiment, c’était le meilleur baromètre ». Cette phrase m’a scotchée sur le coup et j’y ai beaucoup réfléchi par la suite.
Je ne me considère pas comme quelqu’un qui a peur d’être vulnérable ou de donner sa météo du jour en toute transparence. Pourtant, il avait pu observer et pointer cette nuance sur à peine quelques cycles. J’ai repensé aux quatre saisons décrites dans le livre*, au deuil, à tout ce que je prends naturellement sur moi sans y prêter d’attention particulière. Des fonctionnements, des mécanismes automatiques, des compromis relationnels : un reliquat du moi éduquée pour « rester opérationnelle et en phase avec certaines conventions sociales, quoiqu’il arrive ».
Est-ce que ces quelques jours de règles me donneraient accès à ce que je me cache tout simplement à moi-même ? J’ai donc observé à mon tour et, dans quelques cas d’indécisions ou compromis qui me plaisaient moyennement, j’ai profité de cette période particulière pour questionner mes « vrais sentiments ». Et en effet, il n’y a pas de place pour la façade sociale intérieure ces jours-là. J’ai trouvé ça super intéressant et profite depuis de ces jours du mois pour intensifier mes rituels de détachement. J’accueille avec joie toutes les émotions qui remontent à la surface à cet instant, pour contribuer à ce cycle permanent de mort/renaissance intérieure : un « laisser partir » visible, pour un nouveau cycle qui prend corps dans la matière !
Avec le recul, j’ai adoré que ce soit le regard d’un homme qui m’ait ramenée à cet endroit, simplement par sa qualité d’observation, dénuée d’a priori, avec pour simple intention de « connaître ».
Merci à Toi.

« Peut-être que l’amour c’est ce mouvement par lequel je te ramène doucement à toi-même ». (Antoine St Exupéry)

Taïs Roshem

Tous droits réservés.

*Maïtie Trélaün « Les trésors du cycle de la femme » (2014) Editions Jouvence, collection Les Maxi Pratiques – un livre qui s’adresse aussi aux hommes, avec des passages spécifiques à chaque chapitre.