Et si on rentrait ? * (partie 1 : Quand l’amour nous attend au cœur de nos obscurités)
« Est-ce que j’ai des raisons de m’infliger ça ? »
Une cliente m’a posée cette question un jour. Et je comprends qu’elle l’ait fait : aller à la rencontre de ses ombres, de ses dossiers douloureux non résolus, des parts de soi mal-aimées – même les batteries chargées à bloc et bien accompagné(e) – ce n’est, a priori, pas le programme le plus excitant qui soit.
Alors pourquoi ?
Nous nous dissocions toujours pour nous protéger d’un choc, d’un dilemme ou d’une épreuve insurmontable à un instant T. Puis, souvent, nous continuons à vivre sans revenir en arrière, même une fois les ressources, qui nous permettraient d’y faire face, revenues. Du coup, ces parts de nous dissociées restent figées dans leur souffrance, et nous, nous restons conditionnés, sans nous en rendre compte, par les modes de protection/survie/réaction mis en place au moment du choc. Nous en gardons les insécurités et une distance à soi s’installe, ce qui peut anesthésier notre plaisir de vivre et notre capacité à entreprendre et à aimer.
Or, ces parts en souffrance n’attendent que nous, pour être : enfin entendues, souvent consolées, et, dans tous les cas, réintégrées.
L’idée de revenir sur ces traumas, souvent enfouis, voire oubliés, réveille des peurs qui peuvent nous bloquer la perspective de ce que nous allons y trouver de positif. Dans tous les cas, c’est un choix personnel à faire et c’est peut-être là la complexité de la démarche : nous ne nous aimons souvent plus assez pour entreprendre un tel voyage, surtout si nous avons construit un cadre de vie plutôt confortable que nous ne souhaitons – légitimement – pas chambouler. Il faut « une bonne raison ».
Moi la première : j’y suis allée « pour me donner les moyens » de réaliser un rêve que mon âme porte depuis longtemps. Un rêve assez précieux pour tenir bon dans les moments d’adversité, de découragement, de doutes et de larmes. Un rêve soutenu par l’existence de mes enfants et d’un être que je chéris particulièrement.
Le timing avait surpris mon entourage : j’avais déjà pris un tournant personnel et spirituel décisif, il y a quelques années, après un raz-de-marée qui avait fait s’écrouler toutes les structures apparentes de ma vie – famille, mariage, travail – et qui m’avait permis de répondre à l’appel chamanique qui me tournait autour depuis 20 ans. Désormais, je me voyais tisser ce que je croyais être la nouvelle toile, solide, de mon avenir. Jusqu’à un évènement marquant qui m’a fait sentir, du plus profond de mon corps, que je portais en moi une bombe à retardement qui pouvait tout saboter. J’ai réalisé que si je voulais me donner une vraie chance, je devais « régler ça ». Il y eut donc un autre raz de marée, qui vint éclairer tout ce que j’avais à savoir pour libérer les fantômes du passé qui m’habitaient. Etrangement, ce voyage s’est invité alors que j’étais en plein parcours d’apprentissage de soins avancés au sein de la FSS ; j’ai donc pu croiser mes apprentissages avec mes thèmes de recherches personnels et mon expérience de vie. Cette synchronicité m’a également permis d’être solidement soutenue et guidée spirituellement durant ce process qui a duré plusieurs années.
Avec ma sensibilité chamanique, je vois les parts d’âmes que je restaure. Je les rencontre. Je chemine avec elles, avec leur histoire, leurs cris silencieux, leur désarroi, leurs deuils, leur colère, leurs dilemmes intérieurs, leur honte, leur impuissance, leur culpabilité. Parfois c’est très violent, mais j’ai ainsi très bien matérialisé ce que j’avais laissé derrière moi : les parts meurtries de mon enfant intérieur, les capacités sensorielles étouffées, des fragments de mon cœur, des autorisations « à être… ». Ce face à face sans fard, ces prises de conscience, ces retrouvailles, comment les regretter ?
Là où je pensais retrouver ma capacité à aimer « un autre » depuis mon cœur – et non depuis ma loyauté, mes principes et mes obligations – c’est moi que j’ai trouvée et appris à chérir.
Il n’y a pas de mots pour cette connexion et complétude intérieure retrouvées, dans mon cœur, comme dans chaque fibre de mon être. Cela peut paraître d’une logique évidente – de s’aimer d’abord pour pouvoir aimer l’autre – et intellectuellement je le savais depuis longtemps – mais dans mon corps, la réalité d’un amour bienveillant (mais sans complaisance), gratuit, sans jugement ni attachement, était une toute autre histoire.
Alors « pourquoi s’infliger cette traversée du désert ? » : je vais reprendre un slogan bien connu : « parce que je/vous/nous le valons bien ».
Taïs Roshem
* « Et si on rentrait? » est devenu une proposition d’accompagnement. Plus qu’un stage, c’est un passage qui s’intègre dans la durée. Il est actuellement proposé en sessions privées de 2 à 3 personnes, à Boulogne Billancourt. Info ici : https://taisworld.net/ateliers-et-stages/et-si-on-rentrait-stage-en-immersion
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